Histoires vécues / Storie vissute |
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Cloches de l'Escarton d'Oulx
par Jean Vallier
Si l’on envisage la culture comme étant l’art de prendre en charge la nostalgie du passé, les cloches fondues par mes ancêtres Vallier et leurs associés, les Gautier et les Barbe nous offrent un champ d’étude qui s’étend de part et d’autre de la frontière qui divisa en 1713 la République des Escartons, sans diviser pour autant les populations que la pratique de la langue française, de coutumes et de traditions communes ainsi que de nombreux liens familiaux ont longtemps encore rapprochées.
La tradition familiale fait remonter à l’année 1630 l’origine de la fonderie de cloches à Plampinet, hameau de Névache dans le Val Clarée. Michel Vallier, lui-même issu d’une lignée de forgerons, partit en Piémont apprendre à fondre les cloches. Ensuite, Antoine (1640/1712), François (1644/1709) et Michel (1648/1686), les fils de son frère Jean Vallier maréchal dit le choriste, ont poursuivi et perfectionné la pratique de ce noble métier. Celui-ci s’est transmis d’oncle à neveux et de père en fils sur six générations ; les dernières cloches Vallier ont été fondues en 1877 à Villard-Notre-Dame dans l’Oisans. Vers l’an 1660, un certain Louis Gautier, né à Malaucène au comté d’Avignon, fondeur de métaux, vint s’établir à Briançon. Il s'y maria en 1668 et ses descendants, d’abord assistants des Vallier dans certaines opérations de fonte, devinrent eux-mêmes fondeurs de cloches à partir de l’année 1750 approximativement. Ils ne furent jamais concurrents des Vallier, mais, tout au contraire, leurs associés jusqu’au décès de Vincent Gautier en 1868 soit pendant plus d’un siècle. Vincent Gautier (1807-1868)
Quant à Honoré Barbe né en 1755, il était le fils de Catherine Vallier, sœur des fondeurs, et de Jean Barbe. Il apprit à fondre les cloches en étant l’assistant de son oncle Jacques Vallier jusqu’à son départ pour Marmande en 1793. Après lui, son neveu Joseph Barbe et Jules Barbe le fils de Joseph, multiplieront les fontes de cloches dans la région nommée maintenant Nouvelle Aquitaine.
En France, la plupart des cloches anciennes ont été victimes du décret de la Convention Nationale du 3 août 1793 ordonnant de faire parvenir dans les fonderies la quantité de métal de cloches suffisant pour faire des canons. On trouve donc très peu de cloches antérieures à ce décret qui fut appliqué, semble-t-il avec moins de rigueur dans la zone frontalière sur le versant italien. En 2016, nous avions pu photographier les trois cloches Vallier de la cathédrale de Suse : la Vallier-Barbe de 1790, le bourdon fondu en 1833 sous la direction de François-Pierre Vallier mon aïeul, et la Vallier-Gautier de 1841. François-Pierre Vallier (1777-1863) En 2023 nous avons vu les trois cloches de l’église de la paroisse Saint Antoine de Melezet inventoriées par Mauro Mainardi : la doyenne de 1696 signée François Vallier et les deux Vallier-Gautier, celle de 1804 et celle de 1818. La même année Claudio Guiffre nous a ouvert l’église de la paroisse Saint André de Millaures où sont trois cloches Vallier-Barbe de 1788. En 2024, à Bardonnèche, Walter Re nous a fait découvrir les deux cloches Vallier de 1702 : celle de l’église paroissiale Sant'Ippolito et celle de la chapelle de la Rho.
Nous connaissions aussi par un reçu d’ouvrage, conservé dans les archives Vallier et signé du syndic de Salbertrand, la cloche Vallier de 1851 : Cloche de1851 portant le nom du syndic Coste, reçu de la cloche de 1851, signé par Coste syndic San Giovanni Battista, Salbertrand
Et en 2024, Agnès Dijaux et Simona Molino ont identifié une autre cloche Vallier-Barbe de 1789 à Salbertrand :
Au total, nous connaissons maintenant dans la Haute Vallée de Suse 14 cloches Vallier en place et 2 déposées en lieu sûr et 5 autres dans le bas de la vallée. De leur répartition géographique on peut inférer qu’il s’en trouve encore d’autres dans l’ensemble de la vallée. A la suite d’un contact avec M. Di Gennaro, celui-ci nous a fait parvenir un document sur la cloche Vallier de 1831 qui est à Beaulard, cloche inventoriée par Campane To. J’espère que d’autres bonnes surprises nous viendront encore de cette association campaniste qui fait un travail excellent. Nous sommes toujours à la recherche d’une cloche Vallier plus ancienne que notre doyenne, la cloche de 1677, cassée lors d’une tentative de vol à la chapelle Saint Hippolyte de Névache. Nous n’espérons plus la trouver en France. La Vallée de Suse est notre dernier espoir.
Jean Vallier de Plampinet
Cloches identifiées dans la Vallée de Suse
Références: 1- Les Fondeurs de cloches Briançonnais, Jean Vallier, Edition du Fournel, L'Argentière la Bessée 2018 ISBN 978-2-36142-122-9 Bretez Vincent, inventaire campanaire Condemine Olivier, photos dans les églises en Isère et dans les Hautes-Alpes, Cordoba Antoine, auteur du site Les cloches savoyardes Dion Dominique, campaniste Ferraris Stéphane, horloger, programme de sonneries Vialette Denis, coordinateur du projet Wathelet Christian, régisseur du projet Wathelet Philippe, escalade et drone pour les photos 3- Sibille, Renato, Guida ai toponimi e alla storia di San Marco di Oulx, Alzani ed., Pinerolo, 2004, ISBN 9788881702367 4- Zonato, Andrea, Thures e la sua valle, La memoria della terra ed. Torino, 2010 |