Histoire et diplomatie/Storia e diplomazia Grande Charte des Escartons
1- Résumé de la Grande Charte de Carlhian, Fernand-Henri (dit Marc de Ribois),
Ophyris ed., Gap (1962) 2- Texte de la Grande Charte: Transactions d'Humbert Dauphin, Imprimerie Cuchet J. M., Imp. Lib. de Mgr. le Duc d'Orléans & de l'Assemblée provinciale du Dauphiné, Grenoble (1788)
1- Résumé de la Grande Charte
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ART. 1
Bien informé et sûr de ses droits, traitant de son
plein gré, en son Nom personnel et en celui de ses héritiers et
successeurs, le Seigneur Humbert II fait savoir que les officiers,
greffiers, secrétaires, et tous les habitants des Communautés
Briançonnaises sont habilités à posséder tous fiefs et arrières-fiefs,
biens et héritages, tant en groupes qu’en particuliers des deux sexes et
qu’ils ont désormais, le droit d’acheter ou de se succéder avec ou sans
testament.
ART. 2
Ils ont désormais le droit de se réunir où et
quand ils le désirent, sans autorisation et sans la présence d’un
officier, pour leurs affaires communes. Ils sont libres.
ART. 3
Ils ne pourront être jugés hors de leur Communauté
sans appel régulier et sans autorisation du Juge de Briançon.
ART. 4
Ils sont déchargés de tout impôt et de toute taille. Ils en sont de même exemptés.
ART. 5
Les Juges de Briançon ne pourront plus prendre,
plus de 10 sols, pour les Jugements qu’ils rendront désormais ou pour
les actes d’émancipation qui seront dressés devant eux.
ART. 6
Le Dauphin remet toutes ses commissions
personnelles et particulières. Tous les droits ou taxes qui lui sont
dûs, sont convertis en une rente annuelle, payée en argent, chaque année
le Jour de la Chandeleur (2 Février). Le montant de cette rente est
fixée à : 4 000 Ducats d’or pour l’ensemble de la Principauté. Le
montant par Communauté sera fixé par conventions particulières qui
devront être établies et signées dans l’année qui commence aujourd’hui,
29 Mai.
ART. 7
Moyennant le paiement de cette rente, le Dauphin
se démet de tous ses droits seigneuriaux sur les fiefs qui lui
appartiennent ou pourront appartenir à ses successeurs.
ART. 8
Les Briançonnais pourront se réunir pour s’imposer, et s’imposer sans avoir à rendre de compte.
ART. 9
Les habitants qui possèdent des biens devront
contribuer, pour ce qu’ils possèdent, à la rente dûe au Seigneur
Dauphin.
ART. 10
S’ils reconnaissant la transaction, les
Briançonnais pourront à l’avenir dire qu’ils tiennent leurs biens et
leurs droits par acquisition au moyen de la rente annuelle payée au
Dauphin. Les collecteurs de la dite rente seront payés, pour ce travail, selon leurs qualités.
ART. 11
Les habitants sont déchargés de lettres de clame
ou criées pour leurs dettes. Ils seront en plus absous par les juges,
s’ils reconnaissant leurs dettes de bonne foi.
ART. 12
Chaque année, pour Chandeleur, les Briançonnais
pourront élire leurs officiers et Consuls. Ces derniers devront jurer de
bien servir et de rendre des comptes en fin d’année. Si un Consul ou
autre officier ne remplit pas bien ses fonctions, il ne sera jamais
réélu. Les habitants qui refuseront de payer leur part de rente, seront
punis d’une amende de 5 à 10 sols. Les criées pour affaires communes
sont permises.
ART. 13
Le Dauphin s’engage à obliger ses héritiers et
successeurs, qui pourraient être seigneurs en pays Briançonnais, à
respecter la présente et à s’engager à en respecter toutes les
dispositions. S’ils ne prêtaient pas ce serment, ils ne pourraient rien
posséder en Briançonnais.
ART. 14
Hors les cas de lèse-majesté, de faux, blessures,
rapts, adultères et violences, les officiers du baillage ne pourront
ouvrir aucune information.
ART. 15
Les châtelains ne pourront plus se faire payer
lorsqu’ils opposeront leur sceau sur les lettres des habitants de leur
chatelainie.
ART. 16
Les habitants des Communautés du Briançonnais
pourront remettre ou donner ce qui leur appartient sans l’autorisation
ou le consentement de quiconque.
ART. 17
Les Briançonnais ont dès aujourd’hui le droit de
construire des canaux pour arroser leurs terres, prendre de l’eau aux
torrents et rivières sans avoir à payer le droit d’usage ni au dauphin
Humbert, ni à ses héritiers ou successeurs.
ART. 18
Défense est faite aux officiers, delphinaux et aux
nobles de couper du bois de charpente ou de chauffage dans les forêts
des Communautés et Universités du Briançonnais, du Queyras, Vallouise,
Cézanne, Oulx, Pinet, Chevalette, Fontenils ni autres lieux du Baillage,
car les coupes sont cause d’inondations, éboulements et avalanches. Cette interdiction est perpétuelle.
ART. 19
Les collecteurs d’impôts peuvent saisir les biens
nobles et roturiers de ceux qui refusent de payer leur part de rente, ou
toute autre taxe qu’ils doivent à la communauté.
ART. 20
Les Communautés pourront nommer leurs écrivains ou
greffiers et les choisir comme elles l’entendront pourvu que la
personne (ou les personnes) de leur choix soit un vassal, ou homme-lige
du Seigneur Dauphin.
ART. 21
Les Ecrivains, Greffiers, Notaires, receveurs,
collecteurs, devront prêter serment au Seigneur Dauphin et à leur
Communauté. Ils devront jurer d’être fidèles. Toutes les reconnaissances
écrites ou orales faites depuis peu par les Communautés, ou
particuliers devant des Commissaires nommés par le Dauphin sont annulées
par la présente.
ART. 22
Les Syndics ou Consuls pourront librement,
lorsqu’ils le jugeront utile, agrandir ou rétrécir les chemins,
passages, sentes forestières, sans l’autorisation de la Cour Delphinale.
Aucun travail autre que ceux d’amélioration ne pourra être fait sur les
chemins royaux. Sous réserve de prestation de serment les Communautés
pourront nommer librement leur garde-route, garde-forêts,
garde-champêtre, garde-troupeau, garde-canaux.
ART. 23
Les officiers Delphinaux du baillage ne pourront
plus, désormais, procéder à l’arrestation de quiconque en Briançonnais
pour des délits commis, si les délinquants donnent caution franche et
sûre. Les crimes capitaux sont exemptés de cette mesure. Un criminel même s’il donne caution ne sera jamais libéré.
ART. 24
Aucun officier Delphinal (ou autre Noble) n’a
désormais le droit d’arrêter ou saisir le bétail des marchands
voituriers, voyageurs ou autre briançonnais, pas plus qu’il n’a le droit
de vexer ou importuner les personnes qui voyagent en Briançonnais.
ART. 25
Le Seigneur Dauphin promet solennellement que, ni
lui ni ses héritiers ou successeurs, ne pourront porter atteinte en quoi
que ce soit aux articles contenus dans ce contrat.
ART. 26
La contribution au droit de surveillance exigée
pour la garde du Château Delphinal à Briançon est abolie. Le Dauphin
paye lui-même cette dette. La contribution de Garde du Château Dauphin
reste dûe, à moins que les habitants s’engagent à payer leur part de
rente annuelle.
ART. 27
Comme les habitants de ce pays, tous ceux qui ne
se sont pas libérés des 63 sols de taille delphinale, seront poursuivis
et contraints à payer par les officiers du Dauphin. Cette taille et ses accessoires devront être reconnus par tous.
ART. 28
Les habitants du Baillage ne pourront plus être
obligés à garder les Châteaux et les prisonniers, sauf dans les cas
urgents. Les Châtelains ou officiers qui feront arrêter quelqu’un
devront en donner avis au Bailli et juge du Briançonnais. Dans ce cas la
garde sera confiée au Juge le moins occupé et à l’officier le plus
habile.
ART. 29
Les Nobles ou gens de qualité ne pourront plus
désormais acheter ou affermer les revenus des églises du Baillage sous
peine d’une amende de 50 marcs d’argent fin. Les achats antérieurs au présent contrat sont valables.
ART. 30
Les habitants de Monestier auront à perpétuité le
droit à un marché ou à une foire, le mardi de chaque semaine comme le
veut le règlement établi par Dauphin Jean, d’heureuse mémoire, qui
accorda ce privilège.
ART. 31
Les officiers Delphinaux ou Châtelains qui
imposeront, ou feront imposer une amende par jugement, ne pourront rien
exiger des habitants sans l’accord du Juge Delphinal du baillage.
ART. 32
Les habitants du baillage pourront, avec bêtes et
marchandises, aller et venir jusques en Avignon par la route de leur
choix, sans aucune interdiction, excepté le Vicomté de Tallard, et celà
malgré les défenses qui pourraient être faites par les Communautés
d’Embrun, de Gap, du Champsaur ou autres lieux.
ART. 33
Le Dauphin Humbert II cède et remet pour lui, ses
héritiers ou ses successeurs et pour l’ensemble des habitants du
Briançonnais présents ou à venir (sauf les étrangers) toutes les
gabelles du Briançonnais, pour toutes choses, exceptée la Gabelle du
bétail. Rien n’est dû sur la nourriture de ce dernier.
ART. 34
Les Juges Delphinaux devront désormais indiquer
expressément, dans les sentences qu’ils rendront que les amendes ou
sommes dûes seront payées en monnaie courante.
ART. 35
Les dits juges ne pourront recevoir que 12 deniers de monnaie courante par livre de condamnation prononcée. Le seigneur Humbert II désirant favoriser au maximum ses fidèles sujets du Briançonnais,
DECIDE ET ORDONNE
Que tous, sans exception, seront désormais tenus et considérés comme des hommes-libres, francs et bourgeois. Ils rendront hommage au dauphin en baisant son anneau ou la paume supérieure de sa main comme le font des hommes francs et libres, et non plus les deux pouces comme le font les roturiers et manants de ce temps.
ART. 36
Les Syndics et procureurs présents remettent, au
nom des habitants, au Seigneur Dauphin toutes les injures, tous les
torts ou griefs qui leur ont été faits par le Dauphin ou par ses
prédécesseurs en vertu de leurs droits. Ils promettent de faire accepter cette transaction dans leur communauté. Ils abandonnent toutes restitutions auxquelles ils sont en droit de prétendre. Ils acceptent de payer la Gabelle à laine.
ART. 37
En reconnaissance de toutes ces largesses, grâces,
faveurs, libertés, franchises comme de tous les avantages, privilèges
et bienfaits, les Syndics et Procureurs s’engagent à payer, en jurant
sur l’Evangile qu’ils touchent successivement de leurs mains, posées à
plat, les Douze Mille florins d’or à raison de Deux Mille florins
pendant 6 ans, le jour de la Fête de la Purification de Notre Dame et en
outre, chaque année, le même jour, la rente de 4 000 ducats d’or. Il est entendu que : 8 000 florins seront payés par les Chatelainies de Briançon, Queyras, Vallouise, Saint-Martin et les habitants de Montgenèvre ; 4 000 florins seront payés par les Communautés et Chatelainies de Cézanne, Oulx, Salbertran Exile, Bardonèche et Val Cluson. Si ces derniers refusent de payer leur part, la somme de 12 000 florins serait réduite de 2 000 florins.
ART. 38
Considérant que les gens du Baillage du
Briançonnais sont tenus de fournir 500 gens d’armes, le Dauphin donne 1
000 florins d’or, à déduire des 12 000 pour donner aux habitants la
possibilité d’acheter armes et poudre, et d’avoir des soldats prêts à
accompagner le Bailli dans ses tournées. Après avoir touché le Saint Evangile, le Seigneur Dauphin Humbert II, Jure de maintenir l’exécution intégrale des choses promises et accordées, Il ordonne solennellement à tous ses officiers de faire exécuter loyalement tous les articles et d’empêcher toute violation des clauses par lui accordées à perpétuité et ce en Son Nom et au nom de ses héritiers et successeurs. Il précise que tous les extraits, toutes les copies du contrat seront toujours aussi valables que l’original. Et pour donner plus de valeur et toute authenticité à la Grande Transaction, faite de deux peaux collées, le
Seigneur Dauphin Humbert II
appose sur l’original dressé, le sceau de son anneau secret. Fait à Beauvoir en Royans, diocèse de Grenoble, Château Delphinal, le 29 May 1343.
Signé : Humbert II
Suivent les Noms et Qualités de tous les seigneurs, religieux, Syndics, procureurs qui ont assisté à la signature et qui ensuite ont rendu le premier hommage d’hommes francs et libres. L’original a été dressé par Guigues Froment, de Grenoble, Notaire public par Autorité, Apostolique, Impériale, Royale et Delphinale.
D'aprés F. Carlhian Ribois
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