Histoire et diplomatie/Storia e diplomazia
Grande Charte des Escartons
1- Grande Charte des
Escartons par Carlhian, Fernand-Henri
(dit Marc de Ribois),
Ophyris ed., Gap, 1962.
2- Texte de la Grande
Charte: Transactions d'Humbert Dauphin,
Imprimerie Cuchet J. M., Imp.
Lib. de Mgr. le Duc d'Orléans & de
l'Assemblée provinciale
du Dauphiné, Grenoble,
1788.
1-
Résumé de la Grande Charte
|
Au Nom de Notre Seigneur Jésus
Christ. Amen.
Sachent tous présents et à venir qu’en
l’An de notre Seigneur, 1343, le 29 May,
sous le Pontificat de notre Saint Père
Clément VI,
Le Seigneur Humbert
II,
Dauphin de Viennois,
Prince de Briançonnais,
Marquis de Sézanne,
après mûres réflexions et nombreuses
délibérations, après avoir fait vérifier
tous les droits seigneuriaux qu’il possède
en Dauphiné, après avoir rappelé la bonne
mémoire de ses Ancêtres qui lui ont légué
le pays et tous leurs droits,
Remet, Cède et
Transporte à perpétuité aux Universités et
Communautés Briançonnaises, la Jouissance
pleine et entière de ses Droits et devoirs
Féodaux et Seigneuriaux, savoir,
les censes en blé,
lods, tiers, treizains, vingtains, bans,
bois, usages, aisances, pâturages, eaux,
fours et moulins, le tout contenu dans la
présente Transaction, signée par Lui,
Dauphin Humbert II d’une part, et par les
Consuls, Syndics et les Procureurs des
Communautés et des Universités de la
Principauté du Briançonnais, d’autre part.
|

|
ART. 1
Bien informé et sûr de ses
droits, traitant de son plein gré, en son Nom
personnel et en celui de ses héritiers et
successeurs, le Seigneur Humbert II fait savoir que
les officiers, greffiers, secrétaires, et tous les
habitants des Communautés Briançonnaises sont
habilités à posséder tous fiefs et arrières-fiefs,
biens et héritages, tant en groupes qu’en
particuliers des deux sexes et qu’ils ont désormais,
le droit d’acheter ou de se succéder avec ou sans
testament.
ART. 2
Ils ont désormais le droit de se
réunir où et quand ils le désirent, sans
autorisation et sans la présence d’un officier, pour
leurs affaires communes. Ils sont libres.
ART. 3
Ils ne pourront être jugés hors
de leur Communauté sans appel régulier et sans
autorisation du Juge de Briançon.
ART. 4
Ils sont déchargés de tout impôt
et de toute taille. Ils en sont de même exemptés.
ART. 5
Les Juges de Briançon ne pourront
plus prendre, plus de 10 sols, pour les Jugements
qu’ils rendront désormais ou pour les actes
d’émancipation qui seront dressés devant eux.
ART. 6
Le Dauphin remet toutes ses
commissions personnelles et particulières. Tous les
droits ou taxes qui lui sont dûs, sont convertis en
une rente annuelle, payée en argent, chaque année le
Jour de la Chandeleur (2 Février). Le montant de
cette rente est fixée à : 4 000 Ducats d’or pour
l’ensemble de la Principauté. Le montant par
Communauté sera fixé par conventions particulières
qui devront être établies et signées dans l’année
qui commence aujourd’hui, 29 Mai.
ART. 7
Moyennant le paiement de cette
rente, le Dauphin se démet de tous ses droits
seigneuriaux sur les fiefs qui lui appartiennent ou
pourront appartenir à ses successeurs.
ART. 8
Les Briançonnais pourront se
réunir pour s’imposer, et s’imposer sans avoir à
rendre de compte.
ART. 9
Les habitants qui possèdent des
biens devront contribuer, pour ce qu’ils possèdent,
à la rente dûe au Seigneur Dauphin.
ART. 10
S’ils reconnaissant la
transaction, les Briançonnais pourront à l’avenir
dire qu’ils tiennent leurs biens et leurs droits par
acquisition au moyen de la rente annuelle payée au
Dauphin.
Les collecteurs de la dite rente
seront payés, pour ce travail, selon leurs qualités.
ART. 11
Les habitants sont déchargés de
lettres de clame ou criées pour leurs dettes. Ils
seront en plus absous par les juges, s’ils
reconnaissant leurs dettes de bonne foi.
ART. 12
Chaque année, pour Chandeleur,
les Briançonnais pourront élire leurs officiers et
Consuls. Ces derniers devront jurer de bien servir
et de rendre des comptes en fin d’année. Si un
Consul ou autre officier ne remplit pas bien ses
fonctions, il ne sera jamais réélu. Les habitants
qui refuseront de payer leur part de rente, seront
punis d’une amende de 5 à 10 sols. Les criées pour
affaires communes sont permises.
ART. 13
Le Dauphin s’engage à obliger ses
héritiers et successeurs, qui pourraient être
seigneurs en pays Briançonnais, à respecter la
présente et à s’engager à en respecter toutes les
dispositions. S’ils ne prêtaient pas ce serment, ils
ne pourraient rien posséder en Briançonnais.
ART. 14
Hors les cas de lèse-majesté, de
faux, blessures, rapts, adultères et violences, les
officiers du baillage ne pourront ouvrir aucune
information.
ART. 15
Les châtelains ne pourront plus
se faire payer lorsqu’ils opposeront leur sceau sur
les lettres des habitants de leur chatelainie.
ART. 16
Les habitants des Communautés du
Briançonnais pourront remettre ou donner ce qui leur
appartient sans l’autorisation ou le consentement de
quiconque.
ART. 17
Les Briançonnais ont dès
aujourd’hui le droit de construire des canaux pour
arroser leurs terres, prendre de l’eau aux torrents
et rivières sans avoir à payer le droit d’usage ni
au dauphin Humbert, ni à ses héritiers ou
successeurs.
ART. 18
Défense est faite aux officiers,
delphinaux et aux nobles de couper du bois de
charpente ou de chauffage dans les forêts des
Communautés et Universités du Briançonnais, du
Queyras, Vallouise, Cézanne, Oulx, Pinet,
Chevalette, Fontenils ni autres lieux du Baillage,
car les coupes sont cause d’inondations, éboulements
et avalanches.
Cette interdiction est
perpétuelle.
ART. 19
Les collecteurs d’impôts peuvent
saisir les biens nobles et roturiers de ceux qui
refusent de payer leur part de rente, ou toute autre
taxe qu’ils doivent à la communauté.
ART. 20
Les Communautés pourront nommer
leurs écrivains ou greffiers et les choisir comme
elles l’entendront pourvu que la personne (ou les
personnes) de leur choix soit un vassal, ou
homme-lige du Seigneur Dauphin.
ART. 21
Les Ecrivains, Greffiers,
Notaires, receveurs, collecteurs, devront prêter
serment au Seigneur Dauphin et à leur Communauté.
Ils devront jurer d’être fidèles. Toutes les
reconnaissances écrites ou orales faites depuis peu
par les Communautés, ou particuliers devant des
Commissaires nommés par le Dauphin sont annulées par
la présente.
ART. 22
Les Syndics ou Consuls pourront
librement, lorsqu’ils le jugeront utile, agrandir ou
rétrécir les chemins, passages, sentes forestières,
sans l’autorisation de la Cour Delphinale. Aucun
travail autre que ceux d’amélioration ne pourra être
fait sur les chemins royaux. Sous réserve de
prestation de serment les Communautés pourront
nommer librement leur garde-route, garde-forêts,
garde-champêtre, garde-troupeau, garde-canaux.
ART. 23
Les officiers Delphinaux du
baillage ne pourront plus, désormais, procéder à
l’arrestation de quiconque en Briançonnais pour des
délits commis, si les délinquants donnent caution
franche et sûre.
Les crimes capitaux sont exemptés
de cette mesure. Un criminel même s’il donne caution
ne sera jamais libéré.
ART. 24
Aucun officier Delphinal (ou
autre Noble) n’a désormais le droit d’arrêter ou
saisir le bétail des marchands voituriers, voyageurs
ou autre briançonnais, pas plus qu’il n’a le droit
de vexer ou importuner les personnes qui voyagent en
Briançonnais.
ART. 25
Le Seigneur Dauphin promet
solennellement que, ni lui ni ses héritiers ou
successeurs, ne pourront porter atteinte en quoi que
ce soit aux articles contenus dans ce contrat.
ART. 26
La contribution au droit de
surveillance exigée pour la garde du Château
Delphinal à Briançon est abolie. Le Dauphin paye
lui-même cette dette. La contribution de Garde du
Château Dauphin reste dûe, à moins que les habitants
s’engagent à payer leur part de rente annuelle.
ART. 27
Comme les habitants de ce pays,
tous ceux qui ne se sont pas libérés des 63 sols de
taille delphinale, seront poursuivis et contraints à
payer par les officiers du Dauphin.
Cette taille et ses accessoires devront
être reconnus par tous.
ART. 28
Les habitants du Baillage ne
pourront plus être obligés à garder les Châteaux et
les prisonniers, sauf dans les cas urgents. Les
Châtelains ou officiers qui feront arrêter quelqu’un
devront en donner avis au Bailli et juge du
Briançonnais. Dans ce cas la garde sera confiée au
Juge le moins occupé et à l’officier le plus habile.
ART. 29
Les Nobles ou gens de qualité ne
pourront plus désormais acheter ou affermer les
revenus des églises du Baillage sous peine d’une
amende de 50 marcs d’argent fin.
Les achats antérieurs au présent
contrat sont valables.
ART. 30
Les habitants de Monestier auront
à perpétuité le droit à un marché ou à une foire, le
mardi de chaque semaine comme le veut le règlement
établi par Dauphin Jean, d’heureuse mémoire, qui
accorda ce privilège.
ART. 31
Les officiers Delphinaux ou
Châtelains qui imposeront, ou feront imposer une
amende par jugement, ne pourront rien exiger des
habitants sans l’accord du Juge Delphinal du
baillage.
ART. 32
Les habitants du baillage
pourront, avec bêtes et marchandises, aller et venir
jusques en Avignon par la route de leur choix, sans
aucune interdiction, excepté le Vicomté de Tallard,
et celà malgré les défenses qui pourraient être
faites par les Communautés d’Embrun, de Gap, du
Champsaur ou autres lieux.
ART. 33
Le Dauphin Humbert II cède et
remet pour lui, ses héritiers ou ses successeurs et
pour l’ensemble des habitants du Briançonnais
présents ou à venir (sauf les étrangers) toutes les
gabelles du Briançonnais, pour toutes choses,
exceptée la Gabelle du bétail. Rien n’est dû sur la
nourriture de ce dernier.
ART. 34
Les Juges Delphinaux devront
désormais indiquer expressément, dans les sentences
qu’ils rendront que les amendes ou sommes dûes
seront payées en monnaie courante.
ART. 35
Les dits juges ne pourront recevoir que 12
deniers de monnaie courante par livre de
condamnation prononcée.
Le seigneur Humbert II désirant
favoriser au maximum ses fidèles sujets du
Briançonnais,
DECIDE ET ORDONNE
Que tous, sans exception, seront désormais tenus et
considérés comme des hommes-libres, francs et
bourgeois. Ils rendront hommage au dauphin en
baisant son anneau ou la paume supérieure de sa main
comme le font des hommes francs et libres, et non
plus les deux pouces comme le font les roturiers et
manants de ce temps.
ART. 36
Les Syndics et procureurs
présents remettent, au nom des habitants, au
Seigneur Dauphin toutes les injures, tous les torts
ou griefs qui leur ont été faits par le Dauphin ou
par ses prédécesseurs en vertu de leurs droits.
Ils promettent de faire accepter
cette transaction dans leur communauté.
Ils abandonnent toutes
restitutions auxquelles ils sont en droit de
prétendre.
Ils acceptent de payer la Gabelle
à laine.
ART. 37
En reconnaissance de toutes ces
largesses, grâces, faveurs, libertés, franchises
comme de tous les avantages, privilèges et
bienfaits, les Syndics et Procureurs s’engagent à
payer, en jurant sur l’Evangile qu’ils touchent
successivement de leurs mains, posées à plat, les
Douze Mille florins d’or à raison de Deux Mille
florins pendant 6 ans, le jour de la Fête de la
Purification de Notre Dame et en outre, chaque
année, le même jour, la rente de 4 000 ducats d’or.
Il est entendu que :
8 000 florins seront payés
par les Chatelainies de Briançon, Queyras,
Vallouise, Saint-Martin et les habitants de
Montgenèvre ;
4 000 florins
seront payés par les Communautés et Chatelainies de
Cézanne, Oulx, Salbertran Exile, Bardonèche et Val
Cluson. Si ces derniers refusent de payer leur part,
la somme de 12 000 florins serait réduite de 2 000
florins.
ART. 38
Considérant que les gens du
Baillage du Briançonnais sont tenus de fournir 500
gens d’armes, le Dauphin donne 1 000 florins d’or, à
déduire des 12 000 pour donner aux habitants la
possibilité d’acheter armes et poudre, et d’avoir
des soldats prêts à accompagner le Bailli dans ses
tournées.
Après avoir touché le Saint
Evangile, le Seigneur Dauphin Humbert II,
Jure de maintenir l’exécution intégrale des choses
promises et accordées,
Il ordonne solennellement à tous
ses officiers de faire exécuter loyalement tous les
articles et d’empêcher toute violation des clauses
par lui accordées à perpétuité et ce en Son Nom et
au nom de ses héritiers et successeurs.
Il précise que tous les extraits,
toutes les copies du contrat seront toujours aussi
valables que l’original.
Et pour donner plus de valeur et
toute authenticité à la Grande Transaction, faite de
deux peaux collées, le
Seigneur Dauphin
Humbert II
appose sur l’original dressé, le sceau de son anneau
secret.
Fait à Beauvoir en Royans,
diocèse de Grenoble, Château Delphinal, le 29 May
1343.
Signé : Humbert II
Suivent les Noms et Qualités de
tous les seigneurs, religieux, Syndics, procureurs
qui ont assisté à la signature et qui ensuite ont
rendu le premier hommage d’hommes francs et libres.
L’original a été dressé par
Guigues Froment, de Grenoble, Notaire public par
Autorité, Apostolique, Impériale, Royale et
Delphinale.
D'aprés F. Carlhian Ribois
|
|